Il y a 10 ans, mon gynécologue m’annonça que je souffrais d’une maladie au nom barbare de ‘Aménorrhée hypothalamique’ (AH). AH est la perte de règles pour 3 mois ou plus, souvent dûe à un régime alimentaire trop restrictif, trop d’exercice, trop de stress, des antécédents génétiques ou une combinaison de tous ces facteurs. Je fus chanceuse : quelques mois après mon diagnostic, et grâce à la magie de l’internet, le sort plaça le Dr Nicola Rinaldi sur mon chemin. Ni moi ni elle ne le savions alors, mais elle était sur le point de devenir l’expert mondial numéro un de l’AH grâce à la publication du premier livre sur le sujet : ‘No period, now what?‘. Dr Rinaldi a aidé des centaines de femmes depuis lors à retrouver leurs règles et conserve à tout jamais une place importante dans mon cœur pour le travail sans relâche qu’elle a effectué au cours de la dernière décennie pour m’aider moi et beaucoup d’autres dans leurs soucis de fertilité. En quelques mots, sa méthode encourage les femmes souffrant de ce syndrôme à abandonner toute restriction alimentaire et routine de sport intensive pour retrouver un équilibre hormonal leur permettant d’ovuler et d’avoir des règles régulières. Dans le jargon de l’AH, ce processus s’appelle être ‘all in’.

Être ‘all in’, cela signifie avant tout de MANGER sans se restreindre. Et pour celles dont les sensations de satiété ont disparu suite à des périodes de restriction plus ou moins longues, être ‘all in’ s’apparente à s’alimenter en dehors de toutes ‘règles’, ‘interdictions’ ou autres obligations liées aux régimes, comme compter, peser ou s’accorder des ‘cheat days’ de temps en temps. Tous les aliments sont les bienvenus, surtout ceux qui vous apportent du plaisir et ceux qui sont riches en calories et en graisses. Si vous êtes habituées à compter vos calories, il est vivement encouragé d’atteindre et même de dépasser les 2500 calories quotidiennes. Votre corps sort peu à peu d’une période qu’il considère comme une ‘famine’ donc il ne faut en aucun cas craindre de manger des aliments ‘riches’ pendant votre période de rétablissement, car votre santé à ce stade, nécessite avant tout le retour des règles. L’objectif à long terme est d’atteindre un espace mental et physique de liberté, où vous n’êtes plus obsédée par votre régime alimentaire, mais laissez uniquement vos sensations de faim et de satiété vous guider.[i]

Au travers de ce post, je souhaite rendre hommage au Dr Rinaldi ainsi qu’à son incroyable communauté dédiée au soutien des femmes souffrant d’AH. J’espère aussi, en toute humilité, aider à mon tour des femmes qui tentent de retrouver leur cycle menstruel.

NB: pour des ressources en Français, suivez-moi sur Instagram @amenorrhee_fr

Cinq façons d’apaiser le processus ‘all in’

1/ Balancez votre balance

Surtout si vous vous pesez de manière quotidienne ou plus. Surtout si le nombre sur la balance informe votre humeur du jour. Pas de demi-mesure, allez-y franchement, débarrassez-vous de cet outil sans véritable intérêt pour les humains et apprenez à vivre sans connaître l’effet de la gravité sur votre corps.

2/ Portez des vêtements confortables

Ça sonne comme une évidence, mais votre état d’esprit fluctue selon les sensations corporelles que vous ressentez. Bien que je sois libérée de mes troubles du comportement alimentaire depuis un moment, porter des vêtements moulants reste difficile voire impossible, sans ramener tout un tas de pensées négatives vis-à-vis de mon corps et vouloir modifier mon apparence.

Faire du shopping peut être très difficile lorsqu’on travaille à récupérer ses règles, car on a souvent internalisé l’idée que voir son corps s’élargir est problématique, et doit être évité a tout prix. En réalité, être ‘all in’ pour récupérer ses règles peut être une occasion de se reconnecter aux SENSATIONS du corps, plutôt qu’a son apparence. Manger quand on a faim, cesser de démoniser certains groupes alimentaires, mettre des limites dans notre accès au mouvement au profit d’un repos nécessaire, tout cela nous rappelle que récupérer son cycle signifie aussi se sentir mieux dans un corps dont on honore enfin les besoins basiques.

Donc, lors de vos séances shopping, rappelez-vous : se sentir bien dans son corps est totalement détaché du chiffre sur l’étiquette de vos vêtements. Néanmoins, n’investissez pas dans des pièces coûteuses, ou considérez l’achat de vêtements en seconde main, et la vente de vos vêtements devenus trop petits, car il est important de laisser à votre corps l’espace dont il a besoin pour retrouver son équilibre hormonal optimal. Quoique vous fassiez, ne restez pas dans des vêtements trop petits pour vous, et considérez des vêtements avec du stretch ou plus amples, afin de vous adapter aux étapes de votre rétablissement.

3/ Diversifiez vos médias sociaux

Si votre feed ressemble à une collection de hashtags ‘fitspo’, ‘bodygoals’ et autres ‘strongnotskinny’, il vous convainc constamment du besoin ultime d’être mince à tout prix et de vous conformer au standard de beauté qu’on nous présente à longueur de journée et que moins d’1% de la population est capable d’atteindre : mince, blanc, sans handicap, hétérosexuel.

La bonne nouvelle : changer vos perspectives est possible, et se fait tout simplement via une exposition à une gamme plus large de physiques et d’esthétiques. Comme le clament Lindsay & Lexie Kite de @beauty_redefined : « voir plus, [c’est] être plus ».

Désabonnez-vous de comptes toxiques qui vous rappellent votre inadéquation ou votre besoin de changer pour être acceptée, et découvrez la puissance d’une diversité de messages au travers de différentes tailles, orientations sexuelles, origines et capacités physiques. A long terme, cette exposition va à 100% modifier votre perception de vous-même et du monde, et vous amener vers une acceptation de vous-même, sans devoir au préalable changer votre corps. Si vous ne savez pas où démarrer, ma liste de recommandations peut vous mettre sur la voie. Trouvez la ici.

4/ Découvrez de nouvelles manières de vous détendre

Arrêter de faire du sport quand on y a été accro pendant longtemps, c’est un véritable défi. Je me rappelle être extrêmement anxieuse à ce sujet, et cruellement privée de ma ‘recette anti-anxiété’. La solution est de trouver une pratique méditative. Cela peut être la méditation ou le fait de tenir un journal, mais cela peut aussi être écouter de la musique, jouer un instrument, coudre ou tricoter, passer du temps en pleine nature, ou conduire : n’importe quel loisir que vous effectuez avec plaisir et sans compter les minutes peut apporter du repos à votre corps mais aussi et surtout à votre esprit.

A l’époque où j’étais ‘all in’ pour récupérer mes règles, j’ai découvert l’importance de cette pratique grâce à l’acuponcture, que j’espérais être une aide à ma fertilité. Je ne suis pas sûre de l’effet réel de l’acuponcture sur cette dernière, mais me retrouver dans une situation où j’étais incapable de bouger et forcée d’écouter – sans aucune autre distraction – de la musique zen pendant 45 minutes, 3 fois par semaine, me plongeait dans une sorte d’état second qui me permettait de faire redescendre l’intensité de mes émotions sans passer par la salle de sport.

Si la méditation vous est inconnue, considérez de vous renseigner au temple bouddhiste le plus proche, ou de télécharger des méditations guidées sur votre téléphone, via le podcast ‘Meditation Minis’ (gratuit) ou au moyen d’applis comme ‘Calm’ ou ‘Headspace’, qui peuvent être adaptées spécifiquement à vos besoins.

5/ Investissez dans votre santé mentale

Recherchez-vous à exercer plus de contrôle sur votre vie, qui vous pousse à micro-gérer votre corps et votre régime alimentaire de manière extrême ? Vous considérez-vous comme une perfectionniste ? Avez-vous tendance à être très dure avec vous-même si vous n’atteignez pas vos objectifs ? Vos standards sont-ils incroyablement élevés envers vous-même ?

Limiter son apport alimentaire et faire de l’exercice à outrance est souvent une manifestation physique d’un déséquilibre (mental) plus profond, de traumatismes passés, de peur d’être abandonnée ou rejetée, de dépression, d’anxiété, de problèmes familiaux ou relationnels, etc. Rechercher un soutien mental ou un groupe de d’échange peut être bénéfique (No Period Now What? (en anglais) et Bodylancia (en Français) ont d’excellents groupes Facebook entièrement gratuits !), mais cela peut être aussi s’ouvrir à une personne de confiance, investir dans du coaching ou de la psychothérapie, ou s’immerger dans les livres, podcasts, vidéos qui peuvent vous aider à vous connaitre mieux. (Voir ma liste de références en cliquant ici)

Un autre concept important pendant votre travail de récupération de votre cycle hormonal est de vous rappeler vos raisons, votre ‘pourquoi’. Pour moi, c’était de devenir maman. D’autres jeunes femmes veulent réinjecter de la joie ou de la liberté dans leur vie, leur carrière, leur relations amoureuses. Peu importe les raisons pour lesquelles vous faites ce travail, démontrez-vous beaucoup de compassion, et ne craignez pas de ressentir vos émotions. Manipuler votre corps a probablement été un excellent mécanisme de protection pour vous, nécessaire à un certain moment de votre vie, mais il est désormais obsolète. Laissez-le de cote …en faveur de pratiques plus saines et épanouissantes. Vous pouvez y arriver !

[i] Merci Meret Boxler de m’avoir fait ajouter ce paragraphe essentiel!